ENSEIGNER EST UN MÉTIER QUI S'APPREND, NÉGLIGER CECI C'EST HYPOTHÉQUER L'AVENIR DE NOS ENFANTS...
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lundi 11 mai 2009

Haro sur les gauchistes de l'université!

Le 4 mai, le porte-parole de l’Union pour un mouvement populaire (UMP) Frédéric Lefebvre fustigeait la « minorité de surexcités qui sacrifie pour des raisons idéologiques l’avenir des jeunes ». Le même jour, l’éditorialiste du Figaro, Yves Thréard, expliquait à ses lecteurs que l’université française « continue de creuser sa tombe par la faute de quelques enragés ». Dans la foulée, le socialiste François Hollande tançait « une extrême gauche qui cherche, pour des raisons qui lui appartiennent, à engager un conflit qui n’a que trop duré".
(...)
Mais, à y regarder de près, le « progrès » dont se prévalent la ministre et ses proches ressemble plutôt à une régression, dont les étudiants des milieux populaires pourraient bien être les premières victimes. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir un rapport récent de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui se félicitait des évolutions en cours dans le monde de l’enseignement supérieur et la recherche français et préconisait d’« élargir l’autonomie des universités au-delà de ce qui a été réalisé en 2007, surtout pour la gestion budgétaire, le recrutement et la rémunération du personnel. (…) De nouvelles mesures sont nécessaires pour favoriser le financement privé des universités, notamment en ayant davantage recours aux droits de scolarité, cette mesure se doublant de prêts étudiants remboursables en fonction du revenu ultérieur (2)
Ses effets sont connus, aux Etats-Unis notamment : il s’agit du creusement des inégalités entre établissements. D’un côté, un enseignement et une recherche d’élite, financés par des institutions privées et des droits d’inscription élevés pour des étudiants solvables, issus de la bourgeoisie nationale et de celle des pays émergents ; de l’autre, des « collèges supérieurs » chargés d’absorber les effets de l’élévation générale du niveau scolaire qui devront essayer de devancer les attentes toujours fluctuantes et souvent contradictoires en matière de recrutement des entreprises locales.
Dans ce contexte idéologique, les enseignants, les chercheurs, les personnels administratifs et les étudiants mobilisés peuvent passer pour des gauchistes aux yeux du gouvernement, des journalistes qui le soutiennent et même de M. Hollande. La défense d’un service public d’enseignement et de recherche de qualité semble en effet tellement saugrenue qu’elle en est presque révolutionnaire.
Laurent Bonelli, Le Monde diplomatique, 8 Mai 2009